FÊTE DU CHRIST-ROI
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SERMON :
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SA MAJESTE.
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Il est possible que la fête du Christ-Roi, à première vue au moins, n’éveille pas en nos cœurs un intérêt très profond. Inévitablement, le mot de royauté a des résonnances politiques qui peuvent gêner notre pensée religieuse. Et à une époque où les rois sont plus rares et souvent très critiqués, il est possible que l’idée de dignité royale ne nous inspire pas le même enthousiasme qu’à nos ancêtres. Mais la doctrine du Christ-Roi est indépendante des aspects discutables des royautés humaines. Et cette fête nous rappelle une vérité proprement religieuse que nous risquons d’oublier, qui est pourtant essentielle à notre piété et qui doit commander notre attitude envers Notre Seigneur Jésus-Christ.
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Pourquoi en effet le Christ est-il Roi ? Mais parce qu’il est le Dieu fait homme et qu’en devenant homme il ne cesse pas d’être Dieu. Vérité qui fait partie du catéchisme élémentaire, non parce qu’elle est facile, mais parce qu’elle est fondamentale, vérité qui est le mystère même de l’Incarnation.
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Il faut nous le redire, ce Jésus devenu homme, si près de nous, si quotidien, si fraternel, n’a pas pour autant renoncé à être Dieu, par une abdication qui serait absurde et impossible ; comme le disait un vieil amiral, en un langage peu théologique, il n’a pas perdu son grade. Le Dieu fait homme est donc toujours l’être formidable, le Créateur qui a réalisé l’infiniment grand et l’infiniment petit et la vie avec son expansion irrésistible, celui qui à chaque instant fait exister tout ce qui existe, celui qui ne cesse d’agir, faute de quoi il ne resterait de toute la merveille de l’univers même pas une pincée de cendres, Celui qui gouverne les constellations et qui juge les âmes de ceux qui meurent, Celui en présence duquel nous ne sommes pas seulement des pauvres, des mendiants, mais littéralement des rien du tout, un Roi comme il n’y en a pas d’autres, par sa toute puissance qui est universelle et par ses droits qui sont absolus. En vérité, ce Jésus est bien le Dieu que nous présentait l’Ancien Testament, le Dieu qui grondait dans les tonnerres du Sinaï et détruisait les ennemis de son peuple, le Législateur suprême qui donnait des ordres catégoriques munis des sanctions redoutables, l’infiniment Saint qui ne supportait le contact d’aucune souillure, et punissait de mort les indiscrets s’approchant de l’Arche sainte, Celui devant lequel les prophètes eux-mêmes tremblaient d’une frayeur sacrée.
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Et dès lors nous comprenons qu’en présence du Dieu fait homme, du Christ-Roi, l’attitude religieuse première et indispensable c’est l’adoration, le respect prosterné, le service. Le Christ pourrait redire à chacun de nous ce qu’il déclarait dans une apparition à une sainte : « Souviens toi que je Suis Celui qui est et que tu es celle qui n’est pas. » Il est clair que nous devons avant tout reconnaître sa Majesté et notre néant, que nous ne pouvons pas traiter avec lui d’égal à égal, que nous n’avons pas à débattre les conditions de notre service comme on discute les modalités de travail et de salaire avant de signer les conventions collectives, mais que nous avons à servir sans conditions. Ainsi notre grande préoccupation doit être la volonté de Dieu et non pas ce qui nous est agréable ; notre grand désir doit être, non pas d’être heureux ici-bas, mais que Lui soit connu, aimé, obéi par les hommes ; et dans la prière nous devons chercher non pas la joie paisible, mais l’accomplissement d’un très haut service. Sans doute le grand et l’unique commandement est d’aimer Dieu de tout son cœur et le Christianisme n’est pas une religion d’esclaves ; mais dans cet amour même il ya toujours un respect et une adoration. Le respect et l’adoration ne sont pas pour le chrétien des attitudes provisoires, des sentiments de débutants et comme des échafaudages qu’on enlèvera quand sera construit l’édifice définitif ; respect et adoration sont des composantes essentielles de notre amour. Car Dieu ne sera jamais pour nous un Camarade, bien qu’il soit notre ami ; encore moins un domestique à notre service, bien qu’il soit notre Sauveur. Le Christ est Dieu, le Christ est Roi !
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Comme nous sommes loin, avec cette idée, de ce Jésus un peu mièvre et douceâtre, à la beauté sentimentale, à la tendresse un peu alanguie, à la miséricorde un peu faible, que nous représentent certaines images dites de piété. Mais nous sommes en plein dans la vérité chrétienne ; et il n’y a que la vérité qui soit belle et qui soit bonne à nos cœurs.
Car n’allons pas croire que nous sommes menacés de revenir à la religion de l’ancienne loi et aux terreurs qu’éprouvaient les Juifs devant les nuages du Sinaï ; n’allons pas croire que l’amour va nous être impossible. Bien au contraire. Que Jésus-Christ soit la Majesté suprême, l’Infini que le monde ne peut contenir, le Juge inflexible, la Sainteté redoutable à toute souillure, c’est cela même qui donne tout son prix à l’Incarnation invraisemblable, à cette condescendance qui le place à notre niveau, à cette amitié qu’il nous témoigne en réclamant notre amitié.
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Si Bethléem est pour moi bouleversant, c’est que la foi m’affirme que cet enfant sur la Paille est l’Infiniment Riche devenu pauvre volontaire pour me sauver. Si Jérusalem est pour moi un sujet de contemplation inépuisable, c’est que Jésus travailleur n’est pas un prolétaire qui voudrait bien mais ne peut pas s’évader de sa condition ; je sais qu’il est le Créateur, celui qui fait pousser le blé dans tous les champs du monde et qu’il a voulu gagner son pain et travailler par amour pour moi. Si le Crucufié peut m’attirer à lui irrésistiblement, c’est qu’il n’est pas un désarmé, un faible, condamné par une erreur judiciaire, mais une victime librement offerte pour sauver le monde.
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La merveille, c’est que, restant le Souverain absolu, il a voulu librement être notre serviteur à tous. La merveille, c’est que, n’ayant besoin de personne, il a voulu avoir besoin de nous et de notre amour. La merveille, c’est que ce Roi veut devenir notre ami, que ce Dieu, suivant l’image pathétique de l’écriture, est là debout à notre porte et attend que nous voulions bien lui ouvrir.
Ah ! que son règne arrive et qu’il règne d’abord en nous ! Donnons à ce Roi l’adoration prosternée et l’obéissance absolues auxquelles il a droit. Et que cette adoration, que cette obéissance soient une expression même de l’amour qu’il exige et qu’il implore.
Vive le Christ-Roi !
Bonne fête à tous !
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Que le Seigneur, Dieu Tout-Puissant, vous bénisse, vous garde et vous protège!
+ au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !
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