FÊTE DU SACRE COEUR
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Sermon de la Fête du Sacré-Cœur :
Blessé par nos péchés.
A beaucoup de chrétiens, la dévotion au Sacré-Cœur paraît un peu gémissante, un peu mélancolique, un peu morbide : on y parle sans cesse d’outrages et de réparation ; et ce langage leur semble rendre un son peu viril et peu évangélique. Il ne faut certes pas croire, il ne faut pas laisser dire que la dévotion au Cœur du Christ est faite de pessimisme et de jérémiades : qui donc fut plus énergique et moins larmoyant que le Christ Jésus ? Mais nous devons bien reconnaître que cette dévotion est sérieuse jusqu’à l’austérité. Car l’amour du Fils de l’homme, auquel elle veut répondre, est un amour douloureux ; le Cœur de Jésus est un cœur blessé par nos péchés. Et comme l’a souligné le Pape Pie XI, nous avons vis-à-vis de lui un devoir de réparation, de réparation pour ces péchés qui l’ont fait souffrir.
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N’est-ce pas justement dans le Cœur du Christ que nous avons la révélation poignante et innatendue de ce qu’est le péché ? Oui, révélation inattendue. Car l’homme qui fait le mal, le pécheur, est souvent un joyeux pécheur insouciant. Dans son étourderie et sa légèreté d’âme, il a si vite fait de se trouver une excuse en disant : « Ce que vous appelez le péché grave n’est en réalité qu’une bagatelle et un rien du tout ; cette offense n’est pas une offense, puisque Dieu n’en souffre pas, puisque ce mal ne fait pas de mal à Dieu. » Il est bien vrai que Dieu ne peut souffrir, que personne ne peut entamer son bonheur ; il est vrai que la Divinité est invulnérable et que Dieu, en lui-même, n’est pas plus atteint par l’outrage du pécheur que par un coup de couteau ou une balle de revolver. Mais s’ensuit-il que le péché soit une bagatelle et que je puisse me le permettre librement ? Le péché n’atteint pas Dieu ; mais le péché est un attentat contre Dieu et donc une monstruosité, un désordre, un désordre tel que, par comparaison, la plus grave des catastrophes, mettons une conflagration atomique où s’écoulerait le monde matériel, ne serait qu’un jeu d’enfant, un fait divers sans importance.
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Notre foi Chrétienne nous impose de croire que le péché n’est pas une vétille négligeable, une insignifiance, puisque Dieu, qui n’est pas un exagéré, mais qui est la sagesse infinie, a voulu qu’il fût réparé, et puisque le Fils de Dieu n’a pas jugé excessif de se faire homme, de pâtir, de mourir pour réparer les péchés du monde.
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Oui, il est vrai que Dieu ne peut souffrir de nos péchés. Mais le Dieu fait homme peut souffrir dans son corps humain, dans son âme humaine, dans son cœur. Et justement, c’est là que se noue le drame : suivant la parole de la sainte Ecriture, ce Dieu fait homme, devenu vulnérable, a été frappé à cause de nos péchés ; ce Dieu fait homme, qui peut être écrasé, a été broyé par nos forfaits. Ici, point besoin de raisonnements, il suffit d’évoquer l’agonie sous les oliviers : Jésus anéanti sur le sol, étendu comme un grand blessé, mortellement affaibli par la sueur de sang, Jésus saignant, sans que les bourreaux l’aient frappé, sans que les instruments de torture aient commencé leur travail sinistre : les bourreaux, c’est nous, nos péchés sont les tortionnaires. Cette sueur de sang n’est que l’expression visible d’une douleur sécrète inexprimable : la douleur de son cœur, causée par la rencontre de la justice, de la Sainteté divine avec le péché humain, notre péché. Au jardin de l’agonie, oserons-nous parler encore du péché comme d’une bagatelle ?
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Avoir une fois compris cela, c’est avoir compris quelle doit être l’attitude de celui qui aime vraiment le Christ. Son amour douloureux doit provoquer en nous l’amour qui sympathise au sens profond du mot, qui sympathise, c’est-à-dire qui souffre avec, qui souffre avec Jésus souffrant. Ne serait-ce pas un contresens et une ignominie qu’il pleure sur les péchés du monde, sur nos péchés à nous, et que nous-mêmes nous amusions, avec le sourire niais de ceux qui côtaient les grands drames sans y rien comprendre ? Et puisque jamais un être humain, un être libre, ne peut être sauvé passivement, puisque nous devons nous sauver nous-mêmes, en nous appliquant, comme on dit, les mérites du Christ, notre devoir n’est-il pas de faire nôtre cette douleur qu’il accepte pour ces péchés qui sont bien nôtres ? Comment le laisser seul, cet agonisant qui agonise pour nous ? « Jésus est en agonie jusqu’à la fin du monde ; il ne faut pas le laisser seul pendant ce temps-là. »
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Sans doute, nous devons interpréter avec exactitude la parole mystique de Pascal. Notre-Seigneur glorieux maintenant au ciel ne souffre plus. Mais dans les heures de sa vie terrestre, quand il pouvait souffrir, il a souffert pour tous les péchés qui se commettent le long des siècles, jusqu’à la fin du monde. Alors, il a saigné de nos forfaits. Alors aussi il a vu nos actes de réparation et d’amour d’aujourd’hui : il en a été soutenu et consolé ; c’est ainsi que nous pouvons, à travers les siècles, le rejoindre à Gethsémani. Suivant l’invitation du Souverain Pontife, nous songeons à cette masse enchevêtrée et hideuse du péché humain, à cette charge écrasante que le Christ a portée et que nous avons nous-mêmes alourdie. Avec toutes les souffrances que la vie nous présente, essayons d’expier. A son amour douloureux répondons, non point avec des phrases et une émotion superficielle, mais par un regret poignant et une générosité effective pour lutter contre le mal en nous et autour de nous ; répondons par un amour vraiment réparateur.
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Bonne fête du Sacré-Cœur à tous !
