Ier Dimanche de Carême
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Textes du jour ici:
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Sermon
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Jésus tenté.
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Après les longues années de la vie cachée à Nazareth, nous raconte l’Évangile, Jésus, ayant été baptisé au Jourdain, se retira au désert pour prier et jeûner ; après quoi il fut tenté par le démon.
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« Tu as faim ; fais donc un miracle pour changer ses pierres en pains… Tu veux libérer ton peuple : il faut te montrer, attirer l’attention du public ; fais donc quelque prodige spectaculaire, comme de te jeter du haut du temple, à la vue de la foule… tu veux conquérir le monde ; il est à moi ; je te le donne si tu m’adores… »
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Comme tout cela est étrange et proprement inimaginable ! Aurions-nous supposé d’avance que le Fils de Dieu, la Sainteté infinie, fût tenté ? Et que le démon prît occasion de le tenter dans les difficultés où il se trouvait : la fatigue extrême, la pénurie, le manque de moyens humains pour accomplir sa mission ?... Comme si le Fils de Dieu n’avait pas, dans sa divinité, de quoi supprimer toutes les difficultés !
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Mais, au fond, c’est notre surprise même devant cette scène qui est surprenante. Et il est étrange qu’elle nous paraisse étrange.
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Pourquoi le Dieu fait homme a voulu être tenté ? Mais parce que le Dieu fait homme est réellement, authentiquement homme, qu’il vit une vie comme les nôtres et que la vie humaine, c’est la difficulté, c’est l’épreuve.
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Nous avons toujours cette idée, presque indéracinable en nous, que la vie humaine normale, c’est la tranquillité, le bonheur, l’existence facile et toujours plus facile, le bien-être se transformant en mieux-être ; et que la souffrance, l’épreuve ne peuvent être que l’anomalie, l’insolite, l’exceptionnel. Et c’est cette idée même aujourd’hui qui est à l’origine de la multiplication des sectes ou églisettes dites « de réveil » et de l’adhésion massive des jeunes dans des loges maçonniques et des immoralités en tout genre.
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Or c’est l’inverse qui est vrai, car la vie d’ici-bas se définit comme une épreuve ; tentation et souffrance sont, dans ce tissu, comme la chaîne et la trame ; c’est tous les jours que nous rencontrons le devoir, et c’est tous les jours que le devoir est difficile. L’évangile prend soin de remarquer que lorsque le Christ eut repoussé la triple offensive du démon, celui-ci le quitta, mais seulement pour un temps, avec un au-revoir à brève échéance.
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Il faut nous dire que la lutte, soit la lutte intérieure contre les tentation proprement dites, soit la lutte contre les difficultés de la vie, est la substance même de notre condition humaine. Autrement, nous avons de notre existence ici-bas un point de vue déformant qui altère toutes les perspectives et qui fausse nos idées chrétiennes.
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Idée fausse sur Dieu, par exemple, qui aboutit aux propos désabusés et aux murmures : « Dieu m’oublie, Dieu ne m’aime pas, Dieu est injuste, Dieu n’est pas un Père, puisque je suis éprouvé, puisque je souffre. »
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Idée fausse sur la religion, que l’on considère comme une assurance de réussite, une prime de bonheur humain, un billet gagnant à la loterie de la vie. « Autrement à quoi bon être honnête et se bien conduire, si les braves gens sont sacrifiés et si les chenapans ont toutes les chances ? » C’est par exemple le raisonnement de notre jeunesse aujourd’hui qui se laisse aller à tous les péchés et à toutes les impuretés.
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Idée fausses sur la prière pour tous ces chrétiens qui ne prient pas et dont la prière ne devient fervente que lorsqu’il s’agit d’une maladie à guérir, d’une perte de situation à éviter, d’une opération fructueuse à réussir, d’une souffrance à écarter, tous ces fidèles qui déclarent la prière inutile et non exaucée, du moment que ce résultat palpable n’a pas été obtenu. Ils fixent des délais à Dieu, lui donnent des ordres : « Seigneur, tu avais dit que tu devais me donner, donne-moi ! »… Si au bout de neuf jours la prière n’est pas exaucée…plus question de prier…
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Idée fausse sur les sacrements, qui devraient être des moyens merveilleux de supprimer nos difficultés intérieures, de nous dispenser même de l’effort et de la vigilance pour éviter le péché, les sacrements qui devraient être des miracles, étant bien entendu d’ailleurs que le miracle est ce qui arrange tout sans qu’il nous en coûte la moindre peine…
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Autant d’enfantillages et d’illusions peu chrétiennes ! Lorsque Notre Seigneur nous enseigne le Pater Noster, il ne nous fait pas demander que nous soyons à l’abri des tentations, mais que nous ne soyons soumis à des épreuves trop fortes, ces épreuves qui pourraient nous faire sombrer dans le consentement au mal ou bien dans le découragement et la lassitude hébétée. Lorsque le Maître nous promet la paix, ce n’est pas une tranquillité satisfaite d’animaux au pâturage.
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« Je suis un homme, donc un lutteur », disait Goethe. La vie humaine est une école de grandeur d’âme ou elle n’est rien. Et seule l’épreuve, la tentation peut grandir les âmes. De même que certains climats, certains pays sont d’une douceur enchanteresse mais homicide, parce qu’ils dissolvent toute énergie vitale, ainsi la facilité ne pourrait que nous abâtardir. Il nous faut le climat austère de la lutte pour que nous bandions nos énergies, pour que nous prenions aussi conscience de nos faiblesses et que nous nous armions de la grâce de Dieu qui nous fortifie.
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Acceptons virilement les difficultés de l’existence matérielle d’aujourd’hui, portons courageusement notre part des épreuves et des charges communes, sachons tenir bon dans les luttes intérieures qui occupent une telle place dans notre vie chrétienne.
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Et si cette charge nous semble trop lourde, tournons-nous vers ce Christ-Jésus, qui a voulu être tenté comme nous. Ah ! je sais bien qu’il n’avait pas nos faiblesses, que surtout il n’avait pas cette sombre attirance au mal, cette complicité intérieure qui rend pour nous la tentation redoutable ; l’entreprise du démon contre lui nous semble presque une gaminerie inoffensive ; la repousser ne coûtait à Jésus qu’une parole ; la Volonté humaine de celui qui est la Sainteté infinie est inattaquable au mal. Mais parce que le Christ est un homme authentiquement, il n’est pas inattaquable à l’épreuve. Il sentait nos répulsions devant la souffrance ; comme le dit l’Écriture, il a appris, par ses propres souffrances, ce que c’est qu’obéir ; c’est laborieusement, douloureusement, par son courage, qu’il nous a mérité alors les grâces de courage qu’il nous offre aujourd’hui. A nous de les accepter, en répétant la grande parole de l’apôtre : « Je peux tout en celui qui me fortifie. »
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Bon et saint dimanche de carême !
