IVème Dimanche après Pâques
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Textes du jour ici:
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Sermon
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Aimer les commandements.
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L’Église, dans l’oraison de la messe d’aujourd’hui, nous suggère cette demande : « Seigneur, pour que nous méritions d’atteindre ce que vous nous promettez, faites-nous aimer ce que vous prescrivez. »
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Ces mots très simples, qui reflètent une connaissance aiguë de la psychologie humaine, nous rappellent davantage ce qu’est le christianisme en sa profondeur, ce que doit être notre christianisme : un amour du commandement, parce qu’il est un amour de celui qui nous commande.
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Il faut bien le constater : la loi, toute loi est antipathique à l’homme. Tout commandement, toute défense nous apparaît comme opposé à nous, comme dressé contre nous et notre liberté, telle une digue, une barrière, une muraille. La loi, par elle-même, excite l’homme, provoque sa réaction, alerte son réflexe de défense, déclenche sa révolte ou simplement sa résistance passive et hargneuse. Et même si nous ne sommes pas des révoltés, même en nos heures plus calmes, quand nous reconnaissons que la loi est bonne, qu’elle a raison, que nous devons lui obéir, elle ne nous en donne pas la force, elle n’arrive pas à avoir raison contre la passion qui nous entraîne. Il s’agit pour moi de vouloir obéir et personne ne peut me suppléer dans cet acte qui doit être libre. Il faudrait vouloir, je voudrais vouloir et je ne peux pas. Saint Paul, qui évoque ce drame en une page immortelle, explique que la loi, apportant la lumière, mais non pas le secours ni la force, éclairant la conscience d’une lumière froide sans échauffer le cœur, contribue ainsi pratiquement à multiplier les fautes et à alourdir les culpabilités.
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Pour accomplir vraiment le commandement de la loi, il faut l’aimer. Mais peut-on vraiment aimer le précepte et l’interdiction ? Un code civil ou un code pénal peuvent-ils faire battre les cœurs ? A moins d’être Kantiste, - et Kant lui-même ne l’était-il pas ?- la loi morale peut-elle exciter l’enthousiasme ?
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Or, précisément, le coup de génie du Christianisme, comme on serait porter à dire s’il n’était irrespectueux de parler de génie pour une invention divine, la nouveauté absolue et salutaire, c’est d’avoir présenté cette loi, en elle-même abstraite et froide, comme une personne vivante et qui a tout pour gagner les cœurs. La loi chrétienne, c’est le Christ Jésus lui-même.
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Car le Christ, qui est Dieu et par conséquent Sagesse souveraine, Majesté et Perfection infinie, est nécessairement, comme dit saint Thomas, une loi vivante, une loi animée. Désormais la loi ne consiste pas à observer les articles numérotés d’un code, mais à vivre comme lui.
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Et le Christ, qui étant l’Homme-Dieu est une transparence de la divinité, et par le fait même une attirance victorieuse, une amabilité irrésistible, capable de subjuguer nos cœurs. Désormais la loi ne consiste pas à se soumettre à ses commandements qui se présentent comme des brimades, mais à vivre pour le Christ et à l’aimer.
On ne peut aimer la loi, parce qu’elle est rébarbative, parce qu’elle est sans visage et n’a pas de cœur. Mais on peut aimer le Législateur, quand il a un visage humain, une beauté conquérante, une bonté à laquelle il faut se rendre. Autant j’étais rebuté par la voix sèche et froide, cette voix de pédagogue qui me disait : « Tu dois ! », autant je puis être consentant à tous les ordres et même volontaire à toutes les missions, lorsque le Christ me regarde dans les yeux, comme il regardait Pierre et André, Jacques et Jean et lorsqu’il me dit, en m’appelant par mon nom comme il les appelait : « Toi, suis-moi ! » Un Chrétien de notre temps déclarait avec un humour bougonnant : « Certes, nous aimons le Christ, mais on ne nous fera jamais aimer la morale. » Soit, mais justement la morale a cause gagnée à partir du moment où elle apparaît comme la volonté même du Christ que nous aimons.
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D’ailleurs, cette attitude d’amour pour une personne n’a-t-elle pas été celle du Christ, notre modèle, au temps de sa vie terrestre ? Au temps où des volontés éprouvantes du Père s’imposaient à sa volonté humaine ? Devant lui, la souffrance et la Croix se dressaient réellement comme des obstacles, des hostilités, des ennemies. Nous en avons la preuve lorsque, dans son agonie au jardin, il exprimait tragiquement sa répugnance humaine : « Non, non, pas ce calice ! » Mais voici que dans ce paroxysme de souffrance, il retrouvait ce qui avait fait la joie et la force de toute sa vie. Lui qui avait proclamé : « J’accomplis toujours ce qui plait à mon Père. Ma nourriture est d’accomplir la volonté de Celui qui m’a envoyé… », avait, en cette heure dramatique, le courage de murmurer : « Tout ce que vous voulez et non ce que je veux. » Parce que Jésus était pour lui-même tout entier un amour pour le Père, le commandement le plus antipathique, étant reconnu comme la volonté du Père, par le fait même, lui devenait aimable.
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Demandons la grâce précieuse de comprendre que le Christianisme n’est pas une loi morale, fût-ce la plus sublime et la plus belle, mais qu’il est un amour passionné, tendu et fort pour une Personne vivante. Seigneur, faites-nous aimer ce que vous prescrivez, c’est-à-dire, tout simplement, montrez-vous à nous regards et gagnez nos cœurs !
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Bon dimanche à Tous,
En Jésus par Marie !