XXIème dimanche après la pentécôte
Textes du jour ici:
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SERMON :
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SOYEZ MISERICORDIEUX.
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Le Roi, par une générosité extraordinaire, a fait grâce à son serviteur indélicat d’une dette énorme ; et voici que celui-ci n’a rien de plus pressé que d’exiger férocement d’un de ses compagnons une somme insignifiante, quand celui-ci, pour le fléchir, emploie la prière dont lui-même s’est servi pour émouvoir son maître : il y a là un mélange de dureté, de cynisme et de sottise qui nous est intolérable. Mais alors souvenons-nous que cette parabole n’est pas une fiction, mais trop souvent une histoire réelle dans le monde des hommes. Et prenons garde de ne pas rééditer pour notre compte la scène évangélique, car nous sommes exactement dans la situation du serviteur : Dieu nous pardonne et nous avons à pardonner.
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La dette dont on nous fait grâce s’appelle le péché qui est un outrage à Dieu et par conséquent le mal suprême, qui est la perte de la vie divine et par conséquent le suprême malheur. Ici toute comparaison est ridiculement insuffisante. Qu’est ce que cette dette de dix mille talents, cette somme prodigieuse de francs-or, à côté du péché qui est une insulte à l’Infini et qui, incapable de l’atteindre en lui-même, a pourtant une gravité sans mesure ? Dans notre cas, la promesse du serviteur : « Je te rendrai tout » n’a aucun sens : aucune vraie compensation au péché n’est possible, l’homme est radicalement insolvable. Et, d’autre part, la ruine causée par la perte de la grâce est proprement irréparable, puisque l’homme est impuissant à se rendre à lui-même la vie divine qu’il a perdue.
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Dieu pardonne : il prend l’initiative et de bout en bout sa miséricorde est à l’œuvre : par générosité pure, le Père donne à l’homme ce Rédempteur qui pourra réparer l’offense et lui rendre l’amitié divine. C’est le mystère même de la charité infinie : la miséricorde est comme le nom propre de Dieu, le nom qui exprime ce qu’il y a, pour ainsi dire, de plus divin en Dieu. « O vous dont le caractère propre est d’avoir pitié toujours et de pardonner », dit une oraison de la liturgie.
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« Soyez miséricordieux comme le Père est miséricordieux », déclare Jésus. Et dans le Notre Père, cette prière où tout l’essentiel est dit, où pas un mot n’est inutile, le Maître a inséré la demande dont notre parabole n’est que le commentaire : « Pardonnez-nous comme nous-mêmes nous pardonnons ». Bossuet, méditant sur ce texte, écrivait : « Dieu estime tellement de pardonner que non seulement il pardonne, mais oblige tout le monde à pardonner… il met pour ainsi dire son pardon en vente, il veut être payé de la même monnaie, il donne pardon pour pardon. Il ne veut pas que nous fassions du mal à nos frères, même quand ils nous en font ; et voyant que notre inclination y répugne, il épie l’occasion que nous avons besoin de lui, que nous venons nous-mêmes lui demander pardon. »
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Je disais que notre situation est exactement celle du serviteur dans la parabole. Peut-être n’avons-nous pas d’ennemis ; peut-être, si nous avons le goût du langage sobre, pensons-nous qu’employer ce terme serait dramatiser les choses. Mais cependant quel être humain a tant soit peu vécu sans avoir à pardonner et même beaucoup à pardonner ? Il ya ceux qui, méchamment ou non, nous ont causé un tord réel, nous ont fait du mal. Il y a ceux qui, volontairement ou non, nous ont fait souffrir, nous ont fait du mal.
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Il est sûr que, par comparaison avec la dette que Dieu nous a remise, toutes les dettes des autres envers nous ne sont que des vétilles : nous devons des millions de francs-or, on nous doit quelques misérables francs-papier. Et pourtant, ce pardon qui oublie des torts infimes nous coûte au point qu’il nous semble impossible, qu’il nous semble contre nature.
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Notons-le bien, on ne nous demande pas ce qui serait impraticable et d’ailleurs absurde : il ne s’agit de déclarer inexistant un tort bien réel : un fait est un fait, ce qui a été commis a été commis. Il ne s’agit pas non plus de déclarer vertueuse la méchanceté et d’estimer plein de bienveillance à notre égard celui qui nous a fait du mal. Mais nous devons aimer assez le bien et aimer assez l’homme qu’est ce méchant pour vouloir que cet homme méchant devienne bon, que cet ennemi devienne notre ami en redevenant l’ami de Dieu. C’est en cela que consiste ce « pardon du fond du cœur » qui nous est demandé.
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Mais comme parfois il est difficile ! Un écrivain de notre temps, retraçant son itinéraire vers le Christianisme, nous confie que, pendant des mois, il n’a pu réciter jusqu’au bout le notre Père ; c’était plus fort que lui : il ne pouvait sincèrement articuler la demande : « pardonnez-nous comme nous pardonnons ». Il disait alors le je vous salue Marie, cette « prière de refuge ». En voilà un du moins qui prenait au sérieux la prière ! Si tant de chrétiens, malgré leurs cœurs parfois lourds de haine, arrivent si facilement aux derniers mots du Notre Père, c’est sans doute qu’ils ne récitent que des syllabes du bout des lèvres : cette prière ne coûte rien parce qu’elle est sans contenu réel.
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Oui, on doit bien reconnaître que le pardon est, pour l’homme, contre nature, du moins contre cette nature que l’égoisme a durcie. Mais cela même fait mieux ressortir la valeur de ce pardon. Au vrai, il n’y a que Dieu qui puisse pardonner, il n’y a que Dieu qui pardonne. C’est ce qui rend le pardon possible, c’est ce qui lui donne son prix. Quand l’homme pardonne du fond du cœur, c’est que Dieu lui-même occupe ce cœur, se sert de ce cœur humain pour pardonner, de ces lèvres humaines pour signifier son pardon. Le pardon accordé généreusement est une assurance que Dieu est en nous. Dès lors, si cette union profonde est réalisée entre Dieu et nous, il ne faut pas nous étonner de ce dit un saint : « Quiconque a un ennemi a pardonner, est maître du cœur de Dieu.
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Quelle perspective et pour nous quelle espérance ! Notre sort est entre nos mains ; c’est nous qui rédigeons la sentence qui sera rendue sur notre vie. S’il nous semble parfois malaisé de pardonner, rappelons –nous que cette démarche, toute pénible qu’elle soit, est plus encore une béatitude. « Bienheureux ceux qui font miséricorde, car ils obtiendront miséricorde. »
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Bonne fête à tous !
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Que le Seigneur, Dieu Tout-Puissant, vous bénisse, vous garde et vous protège!
+ au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit. Ainsi soit-il !
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